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20 novembre 2019 3 20 /11 /novembre /2019 21:03

Le festival s'est terminé le samedi 16 novembre. Jean-Marc Gélin vous a parlé de la journée du 15 dans une toute récente chronique (ici). Reprenons le fil là j'avais abandonné mon précédent compte-rendu (lequel se trouve là).

La journée du 12 novembre avait commencé vers midi dans la petite salle de La Maison (….de la cuture) avec 'Cluster table', un duo de percussions qui associe Sylvain Lemêtre et Benjamin Flament, face à deux tables en vis-à-vis couvertes d'une nuée d'instruments et d'objets : impressionnant d'invention, de précision, de liberté et de vie.

Puis ce fut à 18h30, au même endroit, le trio du pianiste Damien Groleau, un jeune musicien de Besançon entouré de Sylvain Dubrez ert Nicolas Grupp : des compositions originales, une reprise de Bill Evans, le terrain de jeu d'un musicien qui a publié son troisème disque et trouve ses marques en se frottant aux grandes scènes. Work in progress, comme on dit en bon franglais.

Au théâtre municipal la soirée accueille 'Le Cri du Caire', du poète-chanteur-slammeur-compositeur Abdullah Miniawy. Très belle présence, des textes de lyrisme et de combat dont la traduction à deux moments nous est donnée en voix off. Forte intensité, soutenue par la trompette d'Éric Truffaz, le saxophone de Peter Corser et le violoncelle de Karsten Hochapfel. Moment fort assurément, qui marquera la mémoire des présents.

Le lendemain 13 novembre, le concert de la mi-journée se donnait au théâtre avec la chanteuse-accordéoniste Erika Stucky. Lieu idéal, car autant que de musique il s'agissait d'un spectacle intitulé 'Ping-Pong', une sorte de théâtre musical plein de vie et de fantaisie. Son partenaire Knut Jensen, à l'interface électronique, avec renfort d'un petit clavier et d'un ukulélé, est plus qu'un faire valoir : le révélateur des fantaisies et autres folies. Le jazz et le yodel des Alpes suisses se mêlent à mille et une fantaisies visuelles, à des récits drolatiques et à une chaleureuse communication avec le public : réjouissant, et très musical.

À 18h30, retour à al petite salle de La Maison (…. de la culture) pour un quintette emmené par le clarinettiste-saxophoniste Clément Gibert. C'est un groupe de l'ARFI de Lyon (Association à la Recherche d'un Folklore Imaginaire) qui se propose de revisiter la musique d'Eric Dolphy sous le titre mystérieux d'InDOLPHYlités. Il s'agit en fait d'un hommage sans dévotion, d'un amour sans servitude. Jouer la musique du disque «Out to Lunch», avec un amour dont la liberté tolère l'infidélité pertinente, le détour complice. Le batteur est un historique de l'ARFI, Christian Rollet. Il est entouré d'une jeune génération, avec la vibraphoniste Mélissa Acchiardi, le trompettiste Guillaume Grenard, et le contrebassiste Christophe Gauvert : très belle réussite que cette création, que l'on espère réentendre et sur scène et sur disque.

Migration le soir vers le Théâtre municipal pour écouter à 21h le trio du pianiste Shai Maestro (avec Jorge Roeder et Ofri Nehemya). Beaucoup d'effets de dynamique, de tourneries obsédantes, et finalement assez peu de véritable engagement sans arrière-pensées fédératrices.... mais il y eut quand même, çà et là, quelques beaux moments de musique.

Le 14 novembre commença pour nous autour de midi dans la petite salle de La Maison (…. de la culture) avec un duo qui conjugue à merveille virtuosité, sophistication musicale et lyrisme palpable, direct, qui touche au but sans flagorner ni racoler. Christophe Monniot, aux saxophones, et Didier Ithursarry, à l'accordéon, sont deux sorciers de l'émoi et de l'intensité musicale. Le disque «Hymnes à l'amour» (ONJ Records / l'autre distribution) en apportait la preuve éclatante. Il est dommage que les scènes des festivals les fassent si peu entendre.

Le même jour au Théâtre municipal, en fin d'après-midi, Géraldine Laurent présentait son quartette, avec Baptiste Trotignon qui remplaçait Paul Lay, retenu auprès d'Éric Le Lann par un engagement antérieur, et les partenaires habituels : Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Engagement musical, imagination, absolue cohérence dans le discours musical, même à l'instant le plus enflammé : formidable !

Et le soir dans la grande salle de La Maison (…. de la culture), le Trio Orbit : Stéphan Oliva, Sébastien Boisseau & Tom Rainey : délicat et intense, dans un trilogue permanent qui force l'admiration.

Puis en fin de soirée l'Orchestre National de Jazz dans son programme autour d'Ornette Coleman et de sa galaxie (Dolphy, Julius Hemphill, Tim Berne....) : dans des arrangements de Fred Pallem et sous la direction de Frédéric Maurin, un feu d'artifice d'envolées audacieuses et de solistes percutant(e)s.

Pour le lendemain 15 novembre, c'est l'ami Jean-Marc Gélin qui vous conte la journée (en suivant ce lien).

 

Et enfin le 16 novembre, pour le bouquet final, nous avons écouté le midi à la Maison (…. de la culture) le trio NES de la chanteuse-violoncelliste Nesrine Belmokh : textes fervents, en anglais, arabe et français, dans des univers musicaux pluriels, soutenus par Matthieu Saglio au violoncelle et David Gadea aux percussions. Encore une belle découverte. En fin d'après-midi, dans l'espace café-concert du même lieu, nous avons découvert un jeune quintette de la région, Les Snoopies (4 sax et une batterie) : un groupe plus que prometteur.

Et le soir, dans la grande salle, d'abord André Minvielle & Papanosh (Quentin Ghomari, Raphaël Quenehen, Thibault Cellier & Jérémie Piazza). Ils ont rendu un hommage décoiffant, joyeux et musical à Jacques Prévert.

©Maxim François

Pour conclure ce fut, très attendue, la chanteuse Youn Sun Nah, en trio avec Tomek Miernowski et Rémi Vignolo, deux poly-instrumentistes qui lui ont offert un écrin pour toutes les facettes de son récital : country, pop sophistiquée, rock parfois explosif, chanson française, espagnolades. Un vrai show, presque 'variété internationale de haut niveau', mais avec quand même de vrais moments d'émotion(s).

Xavier Prévost

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 17:44

Avant dernière soirée du festival pour sa 33ème édition et ….programmation de rêve.

 

 

Pour démarrer cette soirée à 18h ce n’était ni plus ni moins qu’un trio de très haute volée avec Joe Lovano au sax, Marilyn Crispell au piano et Carmen Castaldi aux drums qui se produisait sur la petite scène du Théâtre dans une ambiance très intimiste de soirée d’automne pour y écouter ce qui pourrait presque s’apparenter à une musique de chambre. Car le trio Tapestry ( chronique dans les DNJ  http://lesdnj.over-blog.com/2019/02/joe-lovano-trio-tapestry.html ) est une musique d’écoute et presque de méditation. Une musique exigeante qui demande au public l’effort d’y entrer et de s’en imprégner.

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@Maxim François

Et ce concert, retransmis en direct sur les ondes de France Musique a été un moment rare d’échange entre trois musiciens orientés vers le même but, respirant d’une même voix, façonnant le son ensemble entre lignes écrites et improvisations atonales. Le partage de l’espace entre Lovano et Crispell se faisait alors sous la houlette d’un Carmen Castaldi exceptionnel tant il apportait la couleur le liant à l’ensemble.

 

Sorti de ce concert, c’était dans un état proche de la transcendance zen que le public pouvait se diriger vers « La Maison » où la flûtiste Naissam Jalal récemment primée aux Victoires du Jazz proposait une autre forme de musique méditative inspirée des mélismes orientaux. Entourée de deux musiciens superlatifs ( Claude Tchamitchian à la contrebasse et Leonardo Montana au piano),

@Maxim François

Naissam Jalal donnait une version de son dernier album (« Quest of the Invisible » http://lesdnj.over-blog.com/2019/03/naissam-jalal-quest-of-the-invisible.html ) qui, par rapport à son concert de lancement au Café de la Danse a encore pris une dimension énorme  avec là encore une totale entente fusionnelle du trio. La musique et le chant de Naissam Jalal est une invitation à la méditation et à la prière qu’elle soit ou non religieuse. Et c’est un moment de pure beauté auquel il nous a été donné d’assister. En lévitation.

La deuxième partie de ce concert à "La Maison" était plus saignante puisqu’il s’agissait du quartet de Louis Sclavis avec Benjamin Moussay (p), Sarah Murcia (cb) et Christophe, Lavergne à la batterie.
Ce concert était donné en écho à l’exposition d’ Ernest-Pignon-Ernest (« Characters on a wall ») . C’est sur la base de ce matériau que Sclavis et Moussay ont composé les titres de ce concert, s‘inspirant de l‘oeuvre du plasticien.

Alors forcément la musique y est plus urbaine, plus engagée, plus puissante à l’image de l’énergie habituelle que déploie la saxophoniste à la clarinette basse ( son instrument d’excellence)

@Maxim François

ou à la façon dont Moussay entreprend le piano avec autant de fougue que de presque violence. Il y a du Matthew Shipp chez lui. L’oeuvre d’Ernest-Pignon-Ernest alimente celle de Sclavis depuis de longues années et avait contribué à la création de l’album « Napoli’s wall ». Ici c’est à partir de 8 oeuvres que le concert a été bâti. Il y avait dans ce concert ce qu’il y a dans l’oeuvre c’est à dire autant de violence urbaine que de poésie. Magique.

Et cette avant-dernière soirée de ce festival porté à bout de bras par Roger Fontanel démontrait bien, par la qualité de sa programmation qu’il figure depuis 33 ans parmi les événements majeurs de la scène hexagonale.
Pour la 34ème édition nous serons là. C’est sûr !
Jean-Marc Gelin

@Jean-Marc Gelin

 

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17 novembre 2019 7 17 /11 /novembre /2019 14:59
@Aleski_Hornborg

 

C'était un concert en petit comité donné à l'Ambassade de Finlande à Paris.

Le pianiste finandais Iiro Rantala venait y présenter son dernier album (" My Finnish Calendar") publié chez Act cette année.
12 compositions autour des 12 mois de l'année qui donnent l'occasion au pianiste d'exprimer en musique ce que lui inspire sa vie finlandaise.
Derrière l'apparente mélancolie que pourrait inspirer le paysage finlandais (les clichés !), Iiro Rantala jette au contraire un regard aussi drôle qu'acerbe et attendri sur son pays et ceux qui l'habitent.
Totalement iconoclaste, inclassable, la musique de Rantala échappe aux longs travellings que l'on pourrait imaginer sur un paysage désolé pour aller chatouiller les oreilles avec autant de tendresse poétique que de gentilles railleries.
Et c'est un pianiste exceptionnel qui se révèle. Véritable kaléidoscope musical, parfois classique avec des airs de Rachmaninov (Octobre, Décembre) ou de Bernstein et émouvant sur des mélodies romantiques (Mars et Avril) ou brillamment primesautières (Juin) et drôles (May). Parfois flirtant avec le ragtime de Scott Joplin ou jouant avec le piano préparé ou frappé qu'im soit délié ou très percussif, Iiro Rantala est un pianiste libre qui ne se laisse enfermer dans aucun schéma musical.

Le pianiste donne chaque fois l'explication de ce que lui évoque chaque mois de l'année en Finlande. Caustique mais finalement si tendre envers les finlandais qu'Iiro Rantala se donnerait presque des airs de Woody Allen finlandais lorsque le réalisateur jette un regard aussi amusé qu'amoureux sur New-York et les New Yorkais.
Chaque morceau était précédé d'une présentation drôlissime du pianiste décrivant ce que lui inspire chaque mois de l'année en Finlande. Son Excellence riait (jaune) sous cape à l'évocation des névroses finlandaises ( l'argent, le sexe, les saunas, la depression et les vacances !)

Sans aucun cynisme mais avec une bonne dose de facétie (February), le pianiste évoque un brin de colère sombre (magnifique Décembre porteur d'un autre espoir que celui de Noël - bouleversant pour conclure l'album ).
Et malgré ce qu'Iiro Rantala peut dire sur son pays et ses habitants dépressifs et avaricieux, anxieux et parfois futiles, ces douze mois de l'année chargés d'émotions contraires nous invitent à ce voyage intime et nous prennent a rêver une année finlandaise
Brillant !
Jean-Marc Gelin

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12 novembre 2019 2 12 /11 /novembre /2019 11:18

Plus qu'un rituel, presque une manie pour le plumitif qui fréquente le festival depuis plus de trente ans. Et chaque fois l'occasion d'un émoi automnal et ligérien (autrement dit kiffer les bords de Loire au 11 novembre !) 

Le chroniqueur est arrivé après la soirée d'ouverture, celle du samedi 9 novembre, qui a commencé vers 18h30 au Théâtre municipal, et s'est prolongée dès 20h30 à la Maison (que la nomenclature officielle n'ose plus appeler 'de la Culture', alors qu'elle le mérite....). Élogieux échos des présents, tant à propos du Trio Viret au théâtre qu'au sujet d'Éric Le Lann-Paul Lay en duo, puis du quintette de Charles Lloyd à la Maison.... de la Culture ! On en profita pour honorer ce dernier dans l'Ordre des Arts et Lettres : ce dont, témoignent les présents, il fut ravi.

Le dimanche 10 novembre, c'est théâtre, avec une très belle surprise, un spectacle autour de Nina Simone par Ludmilla Dabo et David Lescot, spectacle qui a déjà beaucoup tourné dans les circuits théâtreux, et qui sera repris du 13 au 21 décembre à Paris au Théâtre des Abesses, dans le giron du Théâtre de la Ville. Le spectacle s'intitule Portait de Ludmilla en Nina Simone. L'auteur-metteur en scène (et aussi musicien) David Lescot ,est familier des connexions avec le jazz : que l'on se rappelle L'instrument à pression (avec Médéric Collignon et Jacques Bonnafé) et La chose commune (avec Emmanuel Bex, Élise Caron, Géraldine Laurent, Simon Goubert....). Ayant reçu commande d'un portrait de personnage célèbre, il souhaitait consacrer un spectacle à Nina Simone.

©Maxim François

Il s'est mis en quête d'une comédienne également chanteuse et s'est tourné vers Ludmilla Dabo, laquelle dans ses années au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, avait esquissé un travail autour de cette chanteuse qu'elle admire. De leur rencontre est né un dialogue, dont l'auteur a fait un spectacle, et qui évoque des moments de la vie de Nina Simone. Dispositif scénique minimal, et grande intensité dès la première minute. Dans l'obscurité, battements de pieds et claquements de mains distribuent rythme et syncopes. Puis en pleine lumière le partenaire-enquêteur et accompagnateur (guitare, ukulélé) interroge l'histoire de Nina : la comédienne répond en chantant, d'une voix magnifiquement habitée par l'âme de la soul music.

©Maxim François

Ainsi se déroule, sur un rythme d'une précision incroyable, un échange entre un texte narratif, des dialogues, et des chansons tout aussi chargées d'histoire(s). C'est un tourbillon d'émotions fortes qui traverse la vie de Nina, sa vie de femme en butte aux violences de toute sorte, le naufrage de ses rêves de jeunesse (devenir la première concertiste classique noire des U.S.A.), mais aussi ses combats pour les droits civiques, le tout nourri de quelques chansons de la grande Nina, chantées sans aucun mimétisme (sauf le clin d'œil à Ne me quitte pas), mais à un niveau de vocalité et d'interprétation qui place la barre très très haut, et nous révèle en Ludmilla Dabo une grande chanteuse. Par une sorte de mise en abyme l'expérience personnelle de Ludmilla s'insère dans la dramaturgie, en parallèle à l'évocation des luttes afro-américaines.

©Maxim François

Et en rappel un épisode époustouflant nous offre la grande scène d'Arnolphe et Agnès dans L'École des femmes de Molière, qui dérive progressivement de grande tradition du théâtre classique vers une version en prosodie syncopée, accompagnée par l'ukulélé, et soulignée d'une danse voluptueuse de la chanteuse comédienne : grand moment de liberté théâtrale, et de musique. Le Théâtre municipal de Nevers, belle salle à l'italienne, est assurément l'écrin idéal pour un tel spectacle. Et un festival de jazz l'endroit rêvé pour le faire découvrir. On rêverait que d'autres programmateurs de jazz aient aussi la bonne idée d'offrir à leur public ce très beau spectacle.

 

Le lendemain, promenade de santé par un 11 novembre qui s'ensoleille vers le théâtre (le concert de midi y a été déplacé). En chemin, l'arrière de la Maison (de la culture) en travaux.

Je passe devant la Maison des Sports, qui n'a pas peur de dire son nom (je me rappelle une commune où il y avait une direction des sports et de la culture, dans cet ordre....). En contournant le bâtiment en travaux, je découvre l'appellation désormais officielle.

En montant vers le Palais Ducal et le théâtre, je découvre cette appellation obstinée jusque dans la signalétique.

Et j'arrive enfin au théâtre pour découvrir sur scène le cymbalum de 'Bartók Impressions'. Le groupe a publié voici un an un CD justement remarqué («Bartók Impressions», BMC / l'autre distribution). C'est un trio en nom collectif, sans leader, mais le contrebassiste Matyas Szandai a imprudemment accepté un concert avec un autre groupe le même jour.... Pas rancuniers, ses partenaires le mentionneront en fin de concert pour rappeler que cette musique est celle d'un trio. Ce sera donc un duo : Mathias Lévy au violon, et Miklós Lukács au cymbalum.

   Maxim François, à gauche, en chasseur d'images

 

Le concert commence vers 12h15. La musique s'organise autour des pièces de Bartók, librement traitées dans l'exécution comme dans l'improvisation. Elles sont empruntées au recueil de piano Mikrokosmos, et à diverses autres compositions, notamment celles inspirées à Bartók par les musiques traditionnelles balkaniques. C'est vif, emporté, l'échange entre violon et cymbalum est permanent, souvent ludique. Les modes de jeu sont assez libres, avec recours à des artifices dictés par l'urgence de l'improvisation.

À 15h30 c'est dans la petite salle de la Maison (de la culture....) que se produit le trio 'Un Poco Loco', rassemblé par le tromboniste Fidel Fourneyron, avec Geoffroy Gesser au sax ténor (et à la clarinette), et Sébastien Belliah à la contrebasse. Ils jouent leur nouveau programme intitulé Ornithologie, et consacré non aux oiseaux mais à Charlie 'Bird' Parker. C'est un pari que de jouer ce répertoire de manière innovante sans en altérer ni la densité musicale ni la force expressive. Pari gagné, haut la main, en déstructurant/recomposant chaque thème avec un mélange de fraîcheur et de science musicale qui force l'admiration. Chacun des membres du trio a contribué à l'arrangement du répertoire : Shaw Nuff, Anthropology, Salt Peanuts, Donna Lee, et bien d'autres, et aussi une très belle relecture du standard Everything Happens To Me inspirée par la version avec orchestre à cordes de Charlie Parker. Comme toujours avec le trio 'Un Poco Loco' un grand moment de musique, de prise de risque et d'expressivité.

 

Retour au Théâtre municipal vers 18h30 pour écouter le saxophoniste Éric Séva avec son nouveau groupe 'Mother of Pearl'. C'est un projet inspiré par la rencontre en 1974 de Gerry Mulligan et Astor Piazzolla. Le saxophoniste a fait le choix de l'accordéon plutôt que du bandonéon, en s'associant avec un musicien qu'il connaît de longtemps : Daniel Mille. Christophe Wallemme à la contrebasse, Alfio Origlio au piano (et piano électrique) et Zaza Desiderio à la batterie complètent le quintette. Les compostions originales du saxophoniste sont conçues sur mesure pour cette instrumentation, avec une dominante mélancolique, sans exclusivité toutefois. Deux thèmes de Piazzolla s'insèrent dans le programme. Et après une cavalcade collective en 6/8, c'est un duo accordéon-sax baryton sur une belle composition inspirée par le village d'Eus, dans les Pyrénées-Orientales, avant un quintette conclusif. Un disque, déjà enregistré, paraîtra au printemps prochain.

    ©Maxim François

La soirée se termine à la Maison (de la culture....) avec le MegaOctet d'Andy Emler. C'est le programme anniversaire (30 ans!) d'un orchestre né à l'extrême fin de 1989, et dont la naissance officielle fut constatée en janvier 1990 au Sceaux What, aux Gémeaux de Sceaux (Hauts-de-Seine). Ce programme avait été inauguré le 12 octobre dernier lors d'un concert Jazz sur le Vif à la Maison e la Radio. Pour avoir assisté au deux concerts, j'ai été épaté par le fait que, jouant le même programme, l'orchestre a donné un concert différent, et toujours du même niveau musical, avec cette prise de risque et cette confiance mutuelle des musiciens qui font que, vraiment, tout semble permis. La première partie nous a donné le répertoire du disque paru à l'automne 2018 («A Moment For...», La Buissonne/Pias). Tous sont des solistes de haut vol, à commencer par les historiques, François Verly, percussions, et Philippe Sellam, saxophone alto : ils étaient tous deux dans le MegaOctet des origines. Claude Tchamitchian, contrebasse, avec Éric Échampard, sont les partenaires habituels du trio d'Andy Emler, et cela contribue largement à l'assise du groupe. Laurent Blondiau (trompette), FrançoisThuillier (tuba), Laurent Dehors (sax ténor et cornemuse), et Guillaume Orti (sax alto) complète l'équipe, et tous nous ont transportés par leur insolent liberté musicale.

Après l'entracte l'orchestre est rejoint par trois musiciens qui eurent partie liée avec l'histoire du groupe : le guitariste Nguyên Lê (qui était dans le MegaOtet à sa création), et les imprévisibles Médéric Collignon (cornet, voix, human beatbox....) et Thomas de Pourquery (sax alto et voix).

   ©Maxim François

Ce fut un festival d'envolées périlleuses, de rétablissements virtuoses, et de surprises en cascade.

Tous les musiciens se sont éclatés, et le public en fut conquis. Rappel aussi insistant que chaleureux, et fin de soirée dans la joie d'un moment exceptionnel.

Xavier Prévost

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22 septembre 2019 7 22 /09 /septembre /2019 10:39
LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines
LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines
LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines
LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines

LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines.

Samedi 21 Septembre.19h. In spirit, Claude TCHAMITCHIAN solo

 

Deux jours après la sortie sur nos écrans de la délicieuse comédie de Woody Allen, A rainy day in New York , il pleut sans faiblir sur Marseille en ce premier jour d’automne. Si la B.O du dernier Woody célèbre l’un de ses musiciens de prédilection, Errol Garner, nous n’entendrons pas vraiment du jazz classique avec la dernière soirée de ce festival si étonnant que sont les Emouvantes dans le cadre privilégié de la chapelle des Bernardines du lycée Thiers.

Claude Tchamitchian, le créateur du label EMOUVANCE, contrebassiste, compositeur, chef d’orchestre avec son Louzadsak, accompagnateur de nombreuses formations dont celle de l’ami Andy Emler, joue In Spirit, en hommage à Jean François Jenny Clark son troisième album solo après Jeux d’enfant en 1992 et Another childhood en 2010. Ces projets de solo prennent leur temps, correspondent à une maturation réfléchie, et dans ce cas très particulier, à une sorte de “captation” qui lui est venue avant même l’écriture.

Sur une contrebasse et quelle contrebasse, puisqu’il s’agit de celle du grand “JF”, disparu il y a vingt ans, l’autre étant entre les mains de Jean Paul Céléa, accordée différemment pour répondre à la musique entendue, pour éviter certains réflexes de jeu , automatismes de l’instrument, il se lance dans l’aventure, quatre suites, si on accepte comme telle, l’interlude plus court, entre la deuxième et la troisième pièce.

Comme il le disait déjà dans l’excellente interview d’Anne Montaron qui figurait dans les notes de pochette d’Another Childhood, il joue sans tension mais avec une grande intensité, comme “traversé”, en connexion avec l’instant, ce qui donne grande cohérence au solo, joué à flux tendu. Incarnation” est aussi un mot qui peut revenir sous la plume, car il ne s’agit pas pas vraiment de se portraiturer au hasard des plages et de l’improvisation, pour rester pleinement dans la thématique du festival. Claude Tchamitchian aime sans doute se frotter à tous les genres, styles et techniques, mais cela va plus loin qu’un exercice de style, variant nuances et atmosphères de l’instrument. Ce n’est ni l’exploration de plusieurs modes de jeu qui est ici à l’oeuvre, ni l’art de la contrebasse en quatre leçons, sans, avec un, ou même deux archets (sur la deuxième pièce), mais une épreuve où la position de soliste s’avère difficile à garder, étant souvent ingrate. Je ne ressens pas, contrairement à son solo précédent, une dimension narrative avec une succession de portraits de figures amies, disparues qui hantent son inconscient. Mais plutôt un auto-portrait sur le fil du rasoir, où il lutte contre ses démons peut-être, contre le temps aussi, où la charge émotionnelle domine. Peu de silence, peu de vide mais un combat essentiel avec l’ instrument, une contrebasse puissante, résolue qui a son autonomie propre. Un rapport passionnel fort, dans la lutte plus que dans le ravissement, même s’il parvient à faire chanter la contrebasse qu’il empoigne, saisit, balance, arc bouté sur elle. Il en fait sortir des sons rauques qui enflent parfois en une mélodie plus apaisée, comme dans ce “In Memory” venu de la tradition arménienne, chant du Xème siècle selon Gaguig Mouradian, le joueur de Kamantcha, avec lequel Tchamitchian signa un album mémorable chez Emouvance, en 2002, Le Monde est une fenêtre.

Une performance saisissante où l’on entend le souffle, la respiration, où l’on sent la sueur couler, les doigts se retenir de glisser. Saisi par la teneur dramatique, on admire la maîtrise à ce niveau d’intensité, l’ivresse de certains passages qui deviennent frénésie, transe dans ces suites vibrantes et enlevées qui “ne scient pas de long”. 

21h. MARC DUCRET ENSEMBLE LADY M”

Marc Ducret ( compositions, guitares)

Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Samuel Blaser (trombone), Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Liudas Mockunas (saxophones, clarinette basse), Régis Huby (violons), Bruno Ducret (violoncelle), Joachim Florent (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (percussions, batterie, électronique). 

Après le saisissement du solo de Claude Tchamitchian, nous poursuivons  avec une traversée shakespearienne épique sur la lande écossaise. Marc Ducret, féru de littérature, a choisi, après sa lecture d’ Ada ou L’ardeur de Nabokov, de s’attaquer à un mythe revisité par de très grands cinéastes, Orson Welles en 1948, Akira Kurosawa en 1957( Le château de l’araignée) et Roman Polanski en 1971, sans oublier le romancier WilliamFaulkner qui a fait sienne la citation à la fin de Macbeth :

It’ s a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing”.

Les années de jeunesse passées, l’expérience de la vie a porté ses fruits quand Shakespeare écrit, après Jules César et avant Hamlet, ce Macbeth aux oscillations violentes, qui combine, en une seule intrigue, deux récits différents, retraçant en cinq actes assez resserrés, l’usurpation, le règne et la mort de Macbeth, guerrier valeureux, poussé au crime par sa femme Lady Macbeth. Marc Ducret comme Chostakovitch d’ailleurs, a choisi de déplacer son angle de vision et de se concentrer sur le personnage de Lady M. Les deux meurtriers ont en effet des caractères différents : si Macbeth, ambitieux et noble, hésite longuement, il succombe à une tentation infernale alors que sa femme a l’energie et la détermination triomphantes, sans hésitation. Animée par la soif du mal, Lady M est dotée d’une éloquence ardente et n’hésite pas à mettre en avant les arguments les plus spécieux pour changer les crimes en rêves de gloire. Macbeth se protège plus longtemps, confiant en la prophétie trompeuse des sorcières.

La vision de cette oeuvre laisse une grande liberté au metteur en scène qui peut interpréter les scènes d’action à sa guise, jouant sur les variations autour d’un même thème, exactement comme dans le jazz. Choisissant chaque interprète comme il l’imagine. C’est ce que fait Marc Ducret avec ses musiciens, triés sur le volet, un des castings les plus brillants de la scène musicale hexagonale actuelle, en ajoutant le tromboniste suisse Samuel Blaser, parfaitement en place. Chaque rôle est pensé en fonction de ce que peut apporter le musicien. Et l’ensemble est remarquable, répondant à une écriture exigeante, ambitieuse, d’une précision folle. L’idée forte de ce théâtre musical est d’engager deux chanteurs lyriques, une soprano Lea Trommenschlager et un contre ténor Rodrigo Ferreira pour “répéter”, ressasser ces mots obsessionnels. Ils interviennent  l’un après l’autre, puis ensemble. Il s’agit de reprendre certains vers du monologue de Lady Macbeth de l’acte I, scène 5 :

Come you spirits that tend on mortal thoughts, unsex me here and fill me to the crown to the toe… Puis le passage si célèbre, somnanbulique de l’acte V, scène 1, où Lady Macbeth voit du sang, une tâche qu’elle ne parvient pas à enlever :

Out damn spot, out I say!...All the perfumes of Arabia could not wipe this little hand”...

Car le couple est maudit dès le premier forfait accompli, tous deux connaîtront un repentir fatal, leur conscience aiguillonnée poussant au suicide Lady M et à un combat mortel pour Macbeth, qui accepte son sort, quand il comprend que la prédiction des sorcières se réalise.

Une mise en scène idéale de Sara Lee Lefèvre rend crédible la représentation : les neuf musiciens entrent en scène solennellement et se placent en un demi cercle parfait, tous vêtus de jupes noires à la Gaultier et chaussés de Doc Maertens. Ils ressemblent à ces chevaliers en armure, violents et sinistres, résistant avec Macbeth à l’avancée inexorable d’un Macduff vengeur. On entend la lande, le bruissement du vent, sur ces wuthering heights avec les effets électroniques saisissants de la batterie ou du violoniste Régis Huby.Tous regardent le chef, debout, impérial avec ses guitares (dont une douze cordes), dont il change régulièrement, s’autorisant à jouer de pleins passages qui tirent vers le rock.  Ducret, s’il ne peut être réduit à la seule figure de guitar hero, même splendide, n’est pas solitaire ; il a la vaillance d’un chevalie dirigeant ses troupes qui obéissent avec ferveur. Il faut voir le regard fièvreux de la clarinettiste Catherine Delaunay dont la partition est particulièrement ardue qui joue sous codeine car elle s’est fêlée une côte. Et son rôle de soliste est très important, taillé sur mesure, lui permettant de déployer la palette de son talent qui est grand. Les instrumentistes jouent souvent à deux, se mettant mutuellement en valeur comme les deux clarinettistes Catherine Delaunay et Liudas Mockunas à la clarinette contrebasse ou la même avec le formidable trompettiste-bugliste Sylvain Bardiau, l’un des trois du Journal Intime qui a souvent accompagné Marc DUCRET.

Car, cette aventure exceptionnelle est menée avec des musiciens fidèles depuis longtemps ( il faudrait les citer tous) qui sont de tous les projets du guitariste, dont Régis Huby, chef de meute lui aussi, qui livre un passage inquiétant, exaltant, tout seul, avec ses violons dont un ténor et quelques effets surdosés. Les "Tutti" de l' orchestre sont impressionnants et assez rares pour qu’ils gardent  leur force et se coulent dans la dramaturgie. Pas de clavier dans cette formation qui claque au vent sous la mise en son experte de Bruno Levée.

Bravo à tous et remercions encore les EMOUVANTES de nous donner une émotion aussi précieuse. Précisons pour les amateurs que cette création à la Dynamo de Pantin en 2017, la Lady M de Marc Ducret est sorti en CD sur ILLUSIONS en 2019. 

 

 

SOPHIE CHAMBON

 

 

 

 

 

LES EMOUVANTES à Marseille, chapelle des Bernardines
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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 15:35
Le TREMPLIN JAZZ D'AVIGNON ouvre le 28 ème AVIGNON JAZZ FESTIVAL
PRIX DU PUBLIC  Nathan MOLLET trio

PRIX DU PUBLIC Nathan MOLLET trio

GRAND PRIX DU JURY  SHEMS BENDALI QUINTET

GRAND PRIX DU JURY SHEMS BENDALI QUINTET

Meilleur Instrumentiste Yaroslav Likachev du Daniel TAMAYO Quintet

Meilleur Instrumentiste Yaroslav Likachev du Daniel TAMAYO Quintet

Tremplin Jazz  au Cloître des Carmes, AVIGNON.

http://www.tremplinjazzavignon.fr

 

Retour à Avignon à la toute fin juillet, quand les murs se nettoient de leurs peaux d’affiches après que le festival de théâtre soit achevé.C’est à ce moment que l’association du Tremplin Jazz propose, dans le cadre exceptionnel du cloître des Carmes, concerts et tremplin européen. Commence alors le premier concours de jazz européen. Quoi de mieux que de glisser cette confrontation de jeunes talents au sein d’un festival estival? L’intérêt de ce concours européen, rare pour ne pas dire unique, est de rencontrer des musiciens du même âge, de créer des liens et de voyager ensuite dans les pays respectifs. Un « Erasmus du jazz», en somme.

Il n’est peut être pas inutile de préciser que c’est le premier concours de ce type créé en France, en 1993 : d’abord régional puis national, il est devenu international en 2000, profitant de la reconnaissance d’Avignon comme capitale culturelle européenne. L’association a reçu cette année une centaine de groupes qui proposaient leur maquette. Au final ne restent que six groupes européens à entrer en compétition dans la cour du Cloître des Carmes pendant deux soirées très courues et pas seulement parce qu’elles sont gratuites.

http://www.tremplinjazzavignon.fr/concours-europeen

C’est un cadeau fait au public local, attentif et connaisseur qui s’exprime également en votant. Et son choix, le Prix du Public rejoint très souvent celui du jury, le Grand Prix! Sera-ce encore le cas cette année?

De nombreuses pistes s’ouvrent aux jeunes musiciens aujourd’hui s’ils ont prêts à prendre des risques. En dépit de productions d’école un peu laborieuse, on entend souvent au tremplin des musiciens talentueux, en devenir. Ce qui confirme et justifie, au demeurant, la vocation d’un tremplin. Mais la première difficulté résulte lors de la présélection, qui peut poser problème. Pour l’avoir pratiqué, l’exercice est redoutable. Le souhait serait de réunir des groupes de chaque pays, lauréats de leurs tremplins nationaux respectifs. Les Européens du Nord sont bienvenus et toujours nombreux, la filière est bonne. Les Belges, souvent primés, sont des fidèles ainsi que les Allemands. L’Italie, l’Espagne ne sont pas souvent au rendez-vous. La Grande-Bretagne, Brexit ou pas, brille souvent par son absence…

 

31 juillet : Premier soir du Tremplin, cloître des Carmes, 20h 30.

  • PARALLEL SOCIETY QUINTET ( Irlande) Jan Enrik Rau (guitare, compositions), Yuzuha O’Halloran ( clarinette basse, saxophone alto), Luke Howard (piano et synthé), Eoin O’Halloran (basse), Hugh Denman (batterie)

  • BELUGAS QUARTET (France) Alain Siegel ( claviers), Renaud Collet ( flûte, saxophones), Fabien Humbert (batterie), Ahmed Amine Ben Feguira (oud)

  • NATHAN MOLLET TRIO (France) Nathan Mollet (piano), Dominique Mollet ( contrebasse, basse), Elvire Jouve ( batterie )

Dès la première soirée, y allait-il avoir équilibre entre les trois groupes ? De quoi satisfaire les goûts et esthétiques les plus divers du jury et du public?

Parallel Society proposa un patchwork de musiques diverses, de la gigue irlandaise aux tablas du Nord de l’Inde, selon les goûts du leader, le guitariste Jan Henrik Rau qui avoue encore sa prédilection pour le pianiste Richie Beirach. L’ensemble peine cependant à accrocher : ont-ils du mal à trouver leur rythme? L’ensemble manque de fluidité et d’aisance, d’une réelle cohésion. Le repertoire file et l’attention fléchit ...

Le deuxième groupe rémois, Belugas Quartet, joue la carte de l’originalité, de son nom à l’association assez improbable de certains instruments (oud, conques, flûte) qui peut laisser croire à une surprise, à des effets de timbres insolites et audacieux. Mais là encore, il ne se passe pas grand-chose, la forme autant que le répertoire ne sont pas convaincants, même avec la composition du «Serpentin du Temps».

La surprise vient avec le trio du jeune pianiste Nathan Mollet, âgé de quinze ans à peine, qui fait preuve d’une grande technique pour son âge, de naïveté et d’assurance dans sa présentation ( mais il a les défauts et les qualités de son jeune et bel âge). Il est admirablement soutenu par la rythmique (son père à la contrebasse, visiblement aux anges, et Elvire Jouve, une jeune batteuse dont la vivacité et la précision sont des plus convaincantes).

Un groupe qui joue vraiment, qui s’accorde avec élégance à la formule classique du trio, avec des compositions affirmées du jeune talent, certes un peu prévisibles, qui manquent encore de diversité : «Etoile filante», «Anubis», «La ronde des ombres», «Insolence». On peut aussi regretter de ne pas avoir entendu de standards qui sont toujours un exercice délicat mais révélateur. Le jury apprécie cependant, le public ne s’y trompe pas en tous les cas et il applaudit à tout rompre, saluant le trio d’une standing ovation. Tiens, tiens, aurait-on là le Prix du public? Le jury, souvent composé de musiciens, représentants de labels, tourneurs, directeurs artistique et de scènes de jazz, journalistes de la presse spécialisée, se livre à un premier débriefing, sous la présidence de la dynamique Marion Piras, à la tête de l’agence Inclinaisons (l’un des plus beaux catalogues de musiciens de jazz actuel). Le suspense reste entier et le public est invité à revenir le lendemain, à voter bien évidemment, d’autant que de nombreux prix ( Tee shirts, CDs…) sont offerts à l’issue du concours. 

1er août : Deuxième soirée du Tremplin Jazz

  • SALOMEA (Allemagne) Rebekka Salomea ( voix, compositions, effets), Yannis Anft (claviers, synthéthiseur), Olivier Lutz (basse électrique), Leif Berger ( batterie, drum pad)

  • Daniel TAMAYO quintet (Allemagne) Daniel Tamayo Gomez (guitare et composition), Moritz Preisler (piano), Simon Braumer ( batterie), Conrad Noll ( contrebasse),Yaroslav Likhachev (saxophone ténor).

  • Shems Bendali Quintet ( France) Shems Bendali (trompette), Arthur Donnot ( saxophone ténor), Andrew Audiger (piano), Yves Marcotte ( contrebasse), Marton Kiss (batterie).

Le lendemain entrent en scène trois nouveaux groupes dont deux Allemands, qui vont s’avérer très différents, bien que venant de Cologne, école réputée et vivier de la jeune génération.
Saloméa est assez étonnante, très différente de style et d’attitude des chanteuses repérées lors de précédentes éditions : elle ne minaude pas comme tant de ses consoeurs jeunes et moins jeunes qui pensent que le jazz vocal doit mettre en avant un certain glamour, elle ne rejoue pas non plus une pop acidulée trop influencée par Bjork, elle va sur les traces du hip hop avec des inflexions proches du cabaret parfois, de la soul et du funk, un mélange assez détonant qui révèle un parti pris, un choix affirmé et une façon bien à elle d’occuper la scène … qui tranche avec le trio qui la soutient, impeccable et stylé, qui manie également avec dextérité l’électronique et ses effets. Un groupe qui peut ne pas faire l’unanimité mais il s’est passé quelque chose. Sans chercher à séduire, Salomea s’investit dans son chant avec des compositions originales qui racontent sa vie : elle se livre de façon décomplexée, très honnête même si quelque chose résiste dans l’interprétation. Comme décalé et hors sujet pour le tremplin?

Sur le second groupe, les avis seront également très partagés. Certains reprochent au Daniel Tamayo quintet de former un ensemble inégal, sans direction, tiraillé par des duos au sein du quintet. Le soufflant, par moment, semble prendre les commandes dans ses alliances réussies avec le pianiste. Le leader, comme paralysé, ln’intervient vraiment à la guitare qu’au quatrième titre et lance le groupe sur la piste d’un jazz rock un peu dépassé . D’autres éprouvent une émotion réelle à l’écoute de certaines embardées de ce groupe peu conforme qui a pu prendre des risques, à l’énergie brouillonne mais vivante. Et à la jam organisée pendant les délibérations du jury, Daniel Tamayo retrouvera le plaisir de jouer ayant relâché la pression.

Le jazz advint enfin avec le dernier groupe qui sut s’approprier l’espace de cette belle nuit étoilée où ne soufflait plus aucun vent : voilà de jeunes instrumentistes très doués qui s’écoutent et s’entendent, savent gérer un son de groupe, très limpide, créent une musique subtile aux arrangements délicats, aux belles harmonies. Le trio rythmicien tire admirablement son épingle du jeu dans « Mad Train», sans l’aide des deux solistes, excellents, qui créent les plus beaux unissons qui soient. Il ne semble pas qu’il y ait dans le groupe des egos trop boursouflés mais de réels échanges et une communauté d’esprit et de jeu.

Mention particulière au saxophoniste ténor, même si le leader, très mature, montre une maîtrise réelle d’un univers qui découle du Miles période Gil Evans, évoquant même pour Frank Bergerot, Ambrose Akinmusire, ce qui n’est pas une mince référence. Un jazz certes daté mais terriblement attachant et tant pis si ce quintet n’ouvre pas(tout de suite) les nouveaux langages du jazz....Selon la formule consacrée, on oublia très vite qu’il s’agissait d’un tremplin pour écouter un concert, embarqué dans une croisière intersidérale. Avec élégance, ces jeunes musiciens surent séduire le public dans un silence révélateur.

Les jeux étant faits, le jury allait longuement délibérer, et leurs choix se partager assez équitablement entre les deux groupes les plus saisissants, remplissant le contrat du tremplin. Après une discussion des plus animées, le tout dernier groupe obtint le Grand Prix du Jury (enregistrement et mixage au studio de la Buissonne et première partie d’un concert du festival de 2020) et le prix de la meilleure composition «Anima» d’inspiration soufie. Quant au prix du meilleur instrumentiste, il revient au saxophoniste du Daniel Tamayo. Même si la jeune batteuse du trio de Nathan Mollet avait retenu toute notre attention, lors du premier soir. Elle reçoit d’ailleurs avec le groupe du jeune pianiste, le soutien du public qui lui attribue son prix et ce n’est pas une mince consolation. 

C’est la fin d’une belle édition avec des groupes de qualité, pas toujours originaux mais néanmoins talentueux et prometteurs. Le tremplin et le festival reposent sur un savoir-faire associatif et la générosité des bénévoles. Tous ceux qui sont venus au tremplin confirment que l’accueil chaleureux, simplement familial est l’un des atouts de la manifestation, mettant à l’aise candidats et jurys. Rendons encore une fois hommage à la formidable équipe de vrais amateurs qui se dépensent sans compter pour que la musique vive, et qu’on retrouve chaque année dans cette véritable fête entre amis.

Souhaitons à ce Tremplin Jazz sudiste de continuer longtemps cette aventure musicale chaleureuse et non sectaire. Et que cela jazze plus encore pour le rendez vous des trente ans, qui approche….

Un grand merci pour les photos de Claude Dinhut et de Marianne Mayen deux des quatre reporters-photographes et membres actifs de l’association.

Sophie Chambon

ELVIRE JOUVE DU TRIO Nathan MOLLET

ELVIRE JOUVE DU TRIO Nathan MOLLET

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27 juillet 2019 6 27 /07 /juillet /2019 13:11

Dans les Apéros-Jazz de 20h, encore de belles surprises cette semaine : le 24 juillet, le 'Synestet' de la clarinettiste Hélène Duret, jazz contemporain tissé de nuances, de surprises et d'esprit prospectif

Et le lendemain, dans un registre très différent, 'The Duke and The Dudes', un quartette sans batterie qui joue le répertoire de Duke Ellington dans des arrangements qui rappellent un peu la West Coast ou le 'Jazz Lab' de Donald Byrd et Gigi Gryce.

Sur la grande scène de l'Amphithéâtre d'O, très beau début de semaine le 22 juillet avec 'Slow', quartette suscité par Julien Touéri et Yoann Loustalot (avec Éric Surménian et Laurent Paris), tout en lenteurs, en nuances et en intensité : remarquable.

Le lendemain, une découverte pour beaucoup d'entre nous : le trio de la saxophoniste María Grand, Genevoise établie à New York associée à Linda May Han Oh à la basse, et Savannah Harris à la batterie. Formidable cohésion, vitalité extrême, et des phrases de saxophone sans esbroufe, mais qui nous égarent jusqu'au vertige.

Le mercredi 24 juillet, un événement : la trio du guitariste Danois Jakob Bro, entouré de Thomas Morgan et Joe Baron. Vertige encore, de l'infinie nuance à parfois l'effraction douce provoquée par le batteur : une véritable leçon de musique collective !

Et pour conclure le lendemain, la soirée que l'on veut festive (elle le sera) avec le pianiste-chanteur Ray Lema et le sextette de son récent album «Transcendance». Un bassiste et un batteur qui montrent un peu trop leurs muscles, mais des contrastes et de l'invention chez les solistes. Et le leader qui tisse sa toile, entre l'afro-jazz et une fibre plus personnelle, inclassable et féconde. Amphithéâtre bondé, auditeurs aux anges et, signe des temps, le batteur qui fait un selfie de lui-même et du groupe quittant la scène, avec en toile de fond le public debout....

Belle semaine, avec un regret : Radio France n'a pas enregistré ces quatre concerts, donc les auditeurs de France Musique n'en bénéficieront pas. Triste signe des temps là encore, quand les comptables asphyxient la musique vivante.

Xavier Prévost

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22 juillet 2019 1 22 /07 /juillet /2019 12:03

 

Retour à Montpellier après une édition 2018 manquée par le chroniqueur pour cause de polyarthrite : bonheur intégral ! Le cadre privilégié de l'Amphi du Domaine d'O, et les avant-concerts qui se sont déplacés, un peu plus bas, vers le Château d'O, sous les micocouliers. Dans ces concerts de 20h, une belle surprise le 19 juillet, le tout jeune guitariste (15 ans, et déjà un style, une maîtrise, une musicalité....) Roman Raynaud

et une confirmation le 15 juillet, avec le groupe de la contrebassiste Gabrielle Randrian Koehlhoeffer, laquelle était venue sur la grande scène en 2013 comme sidewoman dans le groupe de Joël Allouche.

Exceptionnellement le 14 juillet, le concert de la grande scène de l'Amphithéâtre d'O n'était pas à 22h mais à 20h30 pour cause de feux d'artifice dans les communes voisines. Sur scène l'Amazing Keystone Big Band dans son programme 'We Love Ella', avec la chanteuse Célia Kameni. Orchestre toujours impeccable et, depuis 2015 où ils s'étaient déjà produits dans ce contexte, la voix de la chanteuse s'est étoffée, prenant de la rondeur dans le timbre.

Le lendemain, Fidel Fourneyron «¿Qué volá?» , belle rencontre entre trois percussionnistes de La Havane et un septette de jazz : vibrant, hardi, riche d'émotions et de surprises.

Le 16 juillet, encore une belle surprise : le trio d'un pianiste finlandais, Aki Rassinen, que j'avais écouté sur disque mais pas sur scène. De l'espace, de l'ambition musicale, mais aussi une vibrante urgence. Beau choix dicté par la thématique générale du festival cette année : 'Soleil de Nuit ', les musiques du Nord de l'Europe.

Le jour d'après, c'est Magic Malik Jazz Association, avec un groupe qui relit à sa ma,ière des thèmes immortalisés par les jazzmen afro-américains (Wayne Shorter, Miles, Coltrane, Monk, Clifford Brown....). Beaucoup d'audace, de talent et de créativité : une réussite là où d'autres risqueraient la redite.

Puis c'est le tour du saxophoniste Ben Wendel et de son 'Seasons Band'. Formidable cohésion, des solistes (très) haut de gamme (Aaron Parks, Gilad Hekselman, Matt Brewer) et un batteur incroyable, Kendrick Scott, qui dans un feu nourri permanent place mille nuances et des idées percutantes à chaque mesure : époustouflant !

Encore une soirée mémorable le 19 juillet avec Andreas Schaerer et 'A Novel of Anomaly'. Virtuose de la vocalité à l'imagination sans frein ni limite, il nous enchante par des surprises autant que par une expressivité vibrante. Public conquis, chroniqueur aux anges !

Et le samedi, dernier concert de la semaine, avec le trio Baa Box de la chanteuse Leïla Martial. Là encore, surprises et émotions intenses. Pour faire bonne mesure Andreas Schaerer les a rejoints à deux reprises pour des échanges torrides. Ovation verticale, comme il se doit.

On peut retrouver ces concerts, sauf celui de l'Amazing Keystone Big Band, en réécoute sur le site de France Musique en suivant ce lien. Hélas la semaine suivante, les concerts ne seront pas diffusés en direct ni enregistrés. Radio France n'éprouve plus le besoin (le désir ? la nécessité ? L'intérêt ?) d'enregistrer tous les concerts de son propre festival ? DOMMAGE !

Xavier Prévost

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22 juillet 2019 1 22 /07 /juillet /2019 00:10

Tout commence l'après midi, arrivant en voiture via les embouteillages de Montpellier, puis ceux de la route nationale, avant les travaux et les embarras de la ville de Sète qui mettent mon GPS en difficulté. Enfin garé au parking de la Place de la République, je file avec retard vers la Médiathèque.

Sur la terrasse, à l'ombre d'une tente, Biréli Lagrène répond aux questions d'Éric Delhaye. Le ton est détendu : la musique, la carrière, le disque récent («Storyteller», Naïve/Believe), la jeunesse de l'enfant prodige vue par l'homme mûr d'aujourd'hui, le goût des standards, les amis disparus (Didier Lockwood), les tournées, avec aussi un éloge des partenaires du trio : Mino Cinelu, percussioniste des géants (Miles Davis, Weather Report, Stevie Wonder....) et des stars (Sting et beaucoup d'autres) ; Larry Grenadier, présent sur le disque, mais si demandé que la scène se fait avec Chris Minh Doky, très apprécié.  

Les questions des spectateurs portent surtout sur la guitare : ceux des spectateurs présents qui osent interroger l'artiste sont des praticiens de l'instrument, et manifestement des admirateurs conquis. L'heure est venue pour Biréli d'aller prendre un peu de repos avant le concert.

Pour moi, c'est le moment d'aller me garer au parking gratuit du Mas Coulet, et de prendre la navette qui emmène les spectateurs vers le Théâtre de la Mer.

Cap sur le Fort Saint-Pierre qui abrite le Théâtre de la Mer. Traverser un port, c'est déjà naviguer sur la mer («...la mer toujours recommencée» me souffle Paul Valéry dans son Cimetière Marin, proche de quelques centaines de mètres....) Mais ce n'est pas «Midi le juste» : il va être 19h....

Escale dans les coulisses, pour croiser les confrères, parler aux musiciens de connaissance, boire un verre de Languedoc, manger un morceau : la Citadelle qui défendait la Place contre l'ennemi Anglais au 18ème siècle est décidément bien accueillante.

En terminant un trop bref repas, on écoute, côté coulisses, le 'Collectif Orchestré', un groupe issu du Conservatoire de Sète et qui mêle les langues, les cultures et les musiques. On file bien vite vers la gradin du Théâtre de la Mer pour les écouter côté scène. Puis c'est le tour du groupe de Louis Martinez, guitariste mais aussi directeur artistique de ce festival qu'il a fondé.

Voir la scène depuis le gradin, avec cette vue plongeante sur la mer, est toujours un moment fort, la magie du lieu. La musique sera celle du disque «Influences», qui vient de paraître chez ASC/Absilone. C'est une sorte de cheminement dans les musiques qui ont peuplé l'univers du guitariste tout au long de sa vie musicale : de la pop californienne à la soul music d'Aretha Franklin en passant par la chanson dans toutes ses déclinaisons, du jazz à ses extrapolations. Deux voix, celles d'Agnès Som et Elvira Skovsang, la guitare de Louis Martinez bien sûr, le piano (et le synthé) de Gérard Poncin, la contrebasse (et la guitare basse) de Philippe Panel, et la batterie de Thomas Doméné. Plus le renfort en court de concert de Stéphane Belmondo au bugle, et Mino Cinelu aux percussions. De belles couleurs, des voix prenantes, des solistes à la hauteur, et des invités qui apportent une touche d'intensité supplémentaire : bref un bon moment de musique d'époque(s), passé et présent confondus.

Vient la tête d'affiche, le trio de Biréli Lagrène (à la guitare électro-acoustique), entouré de Mino Cinelu (percussions, batterie, électronique et voix) et de Chris Minh Doky (contrebasse). Comme le nom du groupe et le titre du disque l'indiquent, ça raconte des histoires. Des histoires teintées de bossa nova, de standards joués à la lettre ou dévoyés dès l'abord, le tout émaillé de citations furtives d'autres standards (de Broadway ou du jazz). C'est détendu, on est manifestement dans le plaisir de jouer, Mino Cinelu circule entre l'impressionnant set de percussions, installé entre la guitare et la basse, et la batterie disposée en fond de scène. On dirait une jam session, non que le programme soit laissé au hasard de l'instant, mais parce que chacun paraît intervenir au gré de l'inspiration du moment. Un vrai concert de jazz en somme, comme les amateurs les aiment, et ils ont exprimé leur satisfaction par de copieux applaudissements.

Xavier Prévost

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7 juillet 2019 7 07 /07 /juillet /2019 22:28

Chers amis qui aimez découvrir de superbes nouveaux talents du jazz, courez aux Disquaires mardi soir.

Un nouveau groupe exceptionnel ( que je verrais pour la 3eme fois)

Courrez-y

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