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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 15:24
JACQUES PONZIO  MONK ENCORE

JACQUES PONZIO MONK ENCORE

EDITIONS LENKA LENTE

Avec une préface de Thieri Foulc

www.lenkalente.com

www.lenkalente.com/product/monk-encore-de-jacques-ponzio

Encore un livre sur Monk?

Jacques PONZIO persiste et signe un nouvel ouvrage sur Monk aux éditions LENKA LENTE, après son Abécédaire The ABC-Thelonius Monk- ABC dans la même collection, en 2017. Ce sera Monk encore. Chez ce neurologue de formation, devenu psychanalyste, pianiste et leader de l’African Express trio, Monk est une passion, une obsession. Découvert dans les années 60, il suit le pianiste dans une quête quasi existentielle et un travail d'écriture dont une première étape fondatrice sera l’ouvrage Blue Monk co-écrit avec François Postif, publié chez Actes Sud en 1995. Comme le suggère l’un des amis, Jean Merlin,dans une savoureuse contribution, s’il était américain, PONZIO passerait pour le spécialiste mondial de T.S.Monk. Tant il est vrai qu’il n’en finit pas de creuser le même sillon, de tourner dans sa tête certaines interrogations sur le mystère, le génie musical de T.S.MONK, sa vie, sa supposée folie. En fin limier, il trouve de nouvelles pistes, des indices qui justifient ses recherches, renforcent ses intuitions, son ressenti. Qui peut mentir bien sûr, mais le lecteur n’en a que faire, au fond, il suit ou pas, les méandres de cette analyse jusqu’à la conclusion. Certainement pas né fou, Thelonius Monk a mené une existence dont certaines circonstances ont entraîné des comportements que l’on a pu taxer de folie. Le projet de l’auteur est de préciser voire de contrarier ces affirmations.

En véritable monkien, Jacques Ponzio commence par revenir sur la musique extra-ordinaire du pianiste en analysant les compositions “Chordially”, Rhythm-a-ning”, après l’incontournable“Round Midnight”, tentant une fois encore de passer au crible musicologique les concepts de rythmes, harmonies et mélodies. Monk a souvent ravi les néophytes tant il est spectaculaire à voir, si ce n’est à entendre, bouleversant les codes au sein du be bop, pourtant révolutionnaire. Il fait, aujourd’hui du moins, l’unanimité au sein des jazzmen, de nombreux jeunes musiciens reprenant ses compositions, devenues des standards. Il est une icône dont la vie est romanesque, énigmatique de ses silences jusqu’à sa relation étrange avec sa bienfaitrice, la baronne Nica de Koenigswarter.

Et pour le plus grand plaisir de l’auteur de ce livre, Monk qui aurait eu cent ans en octobre 2017, lâche encore des trésors, vu les récentes parutions d’inédits du festival de Newport ou de sa B.O des Liaisons dangereuses de Vadim. On peut avoir l’impression que tout a déjà été dit, écrit, depuis Yves Buin, psychiatre, critique de jazz et spécialiste de biographies. Ponzio lui n’est jamais allé voir ailleurs. Il apprécie R.D.G. Kelley, Thelonius Monk, The Life and Times of an American Original, Free Press, 2009 et n’oublie pas l’autre auteur français sur Monk, le pianiste Laurent de Wilde, mais pour citer l’une de ses considérations :  "Oui, fou. Monk est fou”. Ce qui, en fait, ne lui plaît pas tant que ça, puisque  son sujet est de s’interroger sur la prétendue déviance du pianiste. Si Monk est constamment "limite", son attitude prêtant à des jugements rapides, on voit comment le moindre “détail” peut se renverser dans la démonstration ponzienne : des bagues qui contrarieraient son jeu pianistique, photo à l'appui, le comparant à la figure extravagante de Liberace à sa collection de chapeaux (délicieuses dernières pages sur ce singulier Mad Hatter). Le lecteur se régalera aux découvertes de ce Sherlock “addict” à son sujet de recherche. On apprécie ainsi certains rapprochements qui ajoutent à l’histoire de la musique noire ou de la ségrégation. Le titre de “ Round Midnight” serait ainsi inspiré de la composition de Cab Calloway au Cotton Club “Long about midnight”, intégrant Monk dans une lignée. De même, la formidable pochette de Solo Monk,CBS 1965, qui représente le pianiste en aviateur, est une référence directe au saxophoniste et chef d’orchestre Jimmy Lunceford, Takin’off with Jimmie. Et l’on apprend qu’il a existé une escadrille de pilotes noirs, Tuskegee experiment, que Lena Horne, militante de la cause noire, soutenait. La très célèbre pochette d’Underground, son dernier album pour Columbia, en 1968, où Monk pose en activiste FFI n’est pas non plus une lubie, une excentricité de plus. Ce qu’il faisait ou décidait provenait ainsi d’un cheminement intérieur très pertinent, incompréhensible peut-être mais logique à sa façon.

Le livre, petit mais dense, se présente sous forme de courts chapitres aux titres soignés, souvent ludiques, agrémentés d’interludes photographiques, d’interventions de copains, tous amateurs éclairés de Monk. Ces fragments s’appuient sur une réflexion ressassée certes mais toujours augmentée de véritables trouvailles, puisées souvent sur internet. A cet égard, les notes de lecture fournissent ainsi une sitographie originale et transdisciplinaire ( comme par exemple, le rapprochement avec l’architecte Mies van der Rohe, l’auteur du fameux “Less is more”, formule qui s’applique au style du pianiste).

Ainsi Jacques Ponzio livre un portrait des plus attentifs du pianiste dont chacun de ses livres apporte une nouvelle pièce, complètant le puzzle, l’image de l’”eremite”.

Sophie Chambon

 

 

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1 mai 2019 3 01 /05 /mai /2019 08:37

(Paru le 15 avril).

 

Les amateurs du petit écran l’ont découverte récemment dans la série à succès consacrée au monde du cinéma, Dix pour cent, où elle incarne un agent d’artiste plein de gouaille et de bon sens, Arlette, toujours flanquée d’un petit chien dénommé Jean Gabin. Mais le milieu parisien du jazz connait, depuis les années 50, Liliane Cukier bien avant qu’elle ne prenne le nom de son mari, le bassiste Gilbert Rovere, dit Bibi.

 

 

Actrice débutante, Liliane, née à Paris en 1933 dans une famille de juifs polonais émigrés, fréquentait assidûment les clubs de Saint Germain des Prés jusqu’au bout de la nuit. Atteinte du virus du jazz, la jeune Liliane va également vivre intensément sa passion à New-York où elle tombe sous le charme de Chet Baker en 1955. Coup de foudre réciproque et aventure américaine d’une bonne année sur la route en voiture de sport (comme on disait alors) pour la tournée des salles de concerts et les visites au domicile californien des parents du trompettiste à la gueule d’ange.

 

A son retour à Paris, ce sera la rencontre avec Bibi Rovere, (« une passion qui nous donna plus de tourments que de bonheur ») puis avec Dexter Gordon (« séduisant, intelligent, cultivé ») qu’elle retrouvera bien plus tard (1985) sur le tournage d’Autour de Minuit de Bertrand Tavernier (elle dans le rôle d’Itla, l’épouse du patron du club le Blue Note, Ben Benjamin,  et Dexter dans celui de Bud Powell).

 

Si le théâtre et le cinéma vont dès lors occuper l’essentiel de la vie professionnelle de Liliane Rovere, elle n’oubliera jamais ses amis du monde du jazz, parmi lesquels Maurice Cullaz, président de l’Académie du Jazz (« un homme court et large, cubique, avec des yeux pétillants, une mine gourmande… à lui seul une institution »). C’est d’ailleurs dans un club de la Rue Saint Benoît (Chez Papa), au cœur de St Germain, que Liliane Rovere fêta le 15 avril dernier la sortie de son autobiographie sur des airs de jazz.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

*Liliane Rovere. La folle vie de Lili. Editions Robert Laffont.310 pages. 20 euros. Avril 2019.

 

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1 juillet 2016 5 01 /07 /juillet /2016 17:11

Polyfree. La Jazzosphère et ailleurs. (1970-2015)

Sous la direction de Philippe Carles et Alexandre Pierrepont

Collection Contrepoints

Editions Outre mesure

352 pages, 25 euros.

www.outremesure.lfi.fr

Il est enfin arrivé, l’ouvrage polyphonique sur la libre jazzosphère de ces dernières décennies. Voici le collectif de 29 auteurs dont les textes ont été réunis par deux spécialistes des musiques affines, Philippe Carles et Alexandre Pierrepont. Le premier s'est illustré avec Jean Louis Comolli qui signe d’ailleurs une postface définitive, en écrivant le fameux Free Jazz, Black Power (1971). Le second, inventeur de la formule Le champ jazzistique, dans le livre du même nom (2002) aux éditions Parenthèses est un actif « propagandiste» de cette musique, n’hésitant pas à lancer une passerelle, voire un pont par-dessus l’Atlantique avec les tournées du Bridge en particulier).

La quatrième de couverture exprime l’urgence de ces mouvements libertaires dont nous pouvons encore saisir aujourd’hui la « mémoire d’attaque », pour promouvoir un jazz, «objet de désir et mode de penser ».La seule maison d’édition sérieuse, capable de s’atteler à des sujets aussi pointus et de livrer un ouvrage de qualité, qui fera date, est évidemment OUTRE MESURE, dirigée par Claude Fabre.

Une préface qui déjà indique « le sens » à suivre : « Continuités, déplacements, brisures », une chronologie formidable, qui donne tout son relief à cette musique, en fait ressortir le « vif », quatre parties qui structurent tout en déconstruisant. Sans oublier comme toujours, un index précis, des biographies et discographies soignées. Un éclairage sans ambiguïté sur cette traversée du jazz, une chronique des principaux événements liés à son expression, à sa géographie des anciens et nouveaux territoires, une étude sociologique, économique... sans omettre d'emprunter les chemins de traverse. Cette « utopie de combinaisons exogènes » observe l'éclatement des musiques traditionnelles aux musiques électroniques, les confluences avec le rock...

Le lecteur se plaira à suivre ces pistes, comme dans un jardin aux sentiers qui bifurquent, à se pencher plus sérieusement sur les principaux représentants, les figures majeures, des voix prophétiques de l’AACM à Anthony Braxton, de Julius Hemphill à Steve Coleman, William Parker et John Zorn. On ne pourra rester indifférent aux chères Tendances hexagonales décrites subtilement avec l’expérience de Xavier Prévost qui oeuvra inlassablement sur France Musique à en découvrir les nouveaux écarts. La pertinence et la fermeté des analyses de spécialistes ( philosophes, musicologues, journalistes, programmateurs, psychanalystes...) offrent des ngles d’approche d’une diversité réjouissante (de la place des femmes dans le jazz, soit la longue marche, contribution attendue de JP Ricard au titre magnifique, à la thématique féconde de l’improvisation, sans négliger le silence à l’œuvre ou la batterie à toute épreuve).

On comprend vite que le jazz est moins un genre musical qu’un univers de référence qui a embrasé l’Europe des années soixante-dix, conquis le Japon sans oublier l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Ainsi, les différentes contributions soulignent les transformations, l’aspect protéiforme du jazz, ce formidable lanceur d’alerte, refusant d’en figer les traits dans un portrait définitif. On prendra plaisir à lire cet ouvrage de qualité, en l’attaquant par le petit bout de la lorgnette, selon son seul désir, ou à le consulter comme un ouvrage déterminant, un « must » détaillé et précis, qui laisse ouverts les champs d’exploration d’une musique qui n’en finit pas d’être à côté, dans la déchirure du temps.

Sophie Chambon

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